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Appro-collecte Ces agriculteurs qui regardent ailleurs

Qualifiés d'autonomes, de libéraux ou encore d'innovants, ces agriculteurs qui regardent ailleurs ont en commun de vouloir être maîtres de leur décision et de bousculer les circuits traditionnels de distribution et de collecte.

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En ouvrant nos colonnes à cinq agriculteurs qui « regardent ailleurs », nous souhaitons nourrir les réflexions à un moment où le secteur agricole se trouve à une croisée des chemins, avec un éclatement du profil des exploitants, sur fond de nouvelle réforme de la Pac. Certes, le fait que des agriculteurs s'inscrivent hors des circuits classiques de la distribution, bien souvent juste pour une part de leur activité, ne date pas d'aujourd'hui. Pour certains, c'est une façon de faire valoir leur liberté d'entrepreneur et leur recherche d'autonomie. Pour d'autres, cela tient plus de l'opportunisme économique. Quoi qu'il en soit, les motivations et les attentes de chacun sont à entendre. La restructuration continue de la distribution agricole, qui affiche à ce jour 175 coops et 400 négoces d'appro-collecte, accentue-t-elle ce phénomène ? Ou au contraire, sa prédominance croissante sur les débouchés tend-elle à l'enrayer ? « Certains libéraux reviennent vers les coops, car ils se rendent compte que les débouchés sont le nerf de la guerre, observe Alain Baraton, formateur-consultant. En outre, nombre d'études démontrent que le niveau du coût des intrants n'est pas corrélé avec la marge brute. »

Sur le terrain, les organisations économiques accusent toutefois le coup face à la mutation de la typologie des agriculteurs. « Le passage de profils d'assistés techniques vers des profils plus gestionnaires, avec une phase opportuniste pour les jeunes succédant à leur père, est en pleine explosion dans bon nombre de régions en ce moment », poursuit Alain Baraton qui a qualifié sa propre typologie.

Vers plus de gestionnaires

A partir de la compilation de 15 000 exploitations de ses clients coops et négoces, il constate en grandes cultures que 40 % des surfaces sont détenues par des agriculteurs gestionnaires, 30 % par des assistés techniques, 15 % par des opportunistes et 15 % par des libéraux. Avec une montée en puissance des gestionnaires, tout comme en polyculture-élevage et en productions spécialisées. Une tendance à rapprocher d'une typologie réalisée par l'Institut de l'élevage et d'autres partenaires comme l'Inra et Arvalis. Cette évolution doit pousser les coops et négoces à revoir leur approche clients. Quand on sait, par exemple, que les agriculteurs gestionnaires n'adhèrent plus à la notion de fournisseur exclusif, un autre discours est à adopter, se basant sur des objectifs partagés qui « nécessitent de reconnaître le droit à l'autre partie de dégager ses marges. Ce que ne font pas les libéraux et les opportunistes », estime Alain Baraton. Mais, si coops et négoces ont la volonté d'aborder plus la relation dans un esprit B-to-B, certains agriculteurs, du moins ceux qui y sont réceptifs, pourraient revoir leur vision figée de la distribution. Encore faut-il le faire et le faire savoir.

Une communication à ne pas négliger dans un contexte où de nouveaux acteurs du conseil surgissent. « On assiste à une diversification des intervenants - n'opérant pas uniquement dans le milieu agricole - et à une marchandisation du conseil », note Hélène Brives, chercheuse à AgroParisTech. Toutefois, dans le jeu des filières, « les réseaux techniques, le conseil privé, les coopératives et les firmes d'agrofourniture prendraient de plus en plus de poids », révèle une récente étude du ministère de l'Agriculture, intitulée « Le monde agricole en tendances ». « On suppose, qu'un agriculteur voit environ sept fois plus souvent son TC que le conseiller de la chambre, estime Julien Vert, du Centre d'études et de prospective du ministère. C'est une tendance assez lourde, mais il ne faut pas minimiser les possibilités de bifurcation, liées à une demande des agriculteurs pour un conseil plus indépendant et plus systémique. »

Une hétérogénéité croissante

Selon l'étude, si les tendances actuelles se confirment, la France compterait environ 300 000 exploitations aux alentours de 2025, dont deux tiers de grosses structures (plus de 120 ha équivalent blé), et un tiers de petites. La population active va être marquée par le vieillissement et la féminisation de la profession. Le recours à l'externalisation et au salariat devient plus fréquent et les bassins de production se spécialisent. Faits marquants : l'effacement des frontières avec les autres groupes socio-professionnels, l'affaiblissement du particularisme agricole et l'éclatement des modèles et activités. Au final, une hétérogénéisation croissante des agriculteurs et des agricultures qui peut venir complexifier les typologies actuelles.

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